Tribune / Surtaxe « Barnier » : soutenons le Made In France

Publié le 26 novembre 2025 dans l’Humanité

Par Grégory Blanc, sénateur Place Publique du Maine-et-Loire.

Fin 2024, face aux débats sur les superdividendes, et au regard de l’ampleur du déficit, Michel Barnier décide de mettre – un peu – à contribution les très grandes entreprises à travers l’imposition sur les sociétés (IS), avec 8 milliards d’euros en 2025 et 4 milliards d’euros en 2026.

Dans le même temps, le CAC 40 continue alors sa course vers les sommets, à l’appui d’une trésorerie gonflée grâce aux politiques de crédits de la BCE et budgétaires du gouvernement, mis en place suite aux crises Covid et d’inflation.

Or, cette surtaxe d’IS – dite « Barnier », par son mode de calcul fait contribuer finalement davantage les firmes faisant le choix de produire en France (EDF, Orange, Crédit Mutuel…), plutôt que les multinationales largement implantées à l’étranger (Total, Air Liquide, Michelin,..), qui ressortent quasiment épargnées.

Dans la version initiale du projet de loi de finances 2026, la surtaxe minore à 10,3 % d’IS supplémentaire pour les petites et moyennes entreprises et 20,6 % pour les grandes entreprises. Or, il était évident que le rendement attendu serait largement raboté : connues à l’avance, bien des entreprises exportaient leurs chiffres à l’étranger par des tours de passe-passe comptable pour diminuer l’impôt. In fine, par amendement, le gouvernement a décidé en plein débat législatif de rehausser les conditions de rendements. Or, depuis le début, cette surtaxe Barnier pose un problème de fond qui se traduit aujourd’hui par un problème de forme.

En effet, sur la base du seul chiffre d’affaires réalisé en France, l’indicateur choisi encourage les délocalisations. Ainsi, l’an passé, Michelin, dont les marges brutes progressaient, décidait de fermer les sites de Vannes et Cholet… et passait quasiment sous les radars, alors qu’au même moment, le PDG reconnaissait lors d’une commission d’enquête sénatoriale bénéficier de subventions conséquentes. Total est également connu pour bénéficier de l’infrastructure diplomatique française. Pourtant, on attendait sa contribution à la surtaxe à hauteur de seulement 80 millions d’euros, alors qu’EDF contribuait à hauteur de 500 millions d’euros.

La logique porterait à intégrer le chiffre d’affaires mondial du groupe pour définir la tranche de taxation, mais Bercy n’apparaît pas outillé à cet effet. C’est pourquoi il convient de s’appuyer sur un agrégat identifié, inscrit au code des impôts, en s’appuyant sur le nombre de salariés en France. Toute entreprise réalisant plus de 1 milliard de chiffre d’affaires dans le pays et ayant un effectif salarié inférieur à 25 % serait surtaxée, tandis que nos champions industriels privilégiant la production en France seraient avantagés.

La doxa du « socle commun » porte sur une soi-disant politique de l’offre ayant pour seul objet la réindustrialisation du pays. Il serait regrettable que, même lorsqu’un gouvernement de droite décide d’imposer — un peu — plus les grandes entreprises, il favorise celles dont les capitaux sont privés et pénalise celles dont les capitaux sont publics et salariés. À nos yeux, il est nécessaire de faire « Choose France » : c’est indispensable pour réindustrialiser dans les faits, et par capillarité pour résoudre le déficit de l’État.

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